La responsabilité du médecin qui prescrit la Chloroquine contre le COVID 19
La question de la responsabilité du médecin qui prescrit la chloroquine (plus exactement l’hydroxychloroquine) contre le COVID 19 , évolue de jour en jour, voire d’heure en heure.
J’indiquais le 24 mars 2020 (ici) et (là), qu’en l’état et à cette date, à défaut de recommandation par le Ministre de la Santé, cette prescription d’un médicament hors de ses conditions d’utilisation « normales », visées à l’autorisation de mise sur le marché, était susceptible d’engager la responsabilité du médecin prescripteur en cas de dommage.
Cette question est bien une question de juriste, dont la rationalité froide ignore le champ de l’urgence, du péril de vie, suscité par l’épidémie.
C’est une question théorique mais qui est néanmoins présente à tous les esprits.
Les médecins ont été nombreux à s’interroger voire à s’adresser à leur Conseil de l’Ordre.La situation a donc à ce jour un peu évolué et est désormais la suivante : la prescription de l’Hydroxychloroquine est autorisée pour le traitement du COVID 19 malgré l’absence d’autorisation de mise sur le marché conforme pour cette indication. Mais cette prescription reste très strictement encadrée.
La prise de position réservée du Premier Ministre sur la prescription de l’Hydroxychloroquil
Rappelons que les principales mesures déjà prises pour faire face à l’épidémie ont été édictées le 23 mars 2020 (décret n° 2020-293 du 23 mars 2020).
Ce décret a fait l’objet dès le 27 mars 2020 d’un complément par un nouveau texte consacré presque exclusivement à la question du traitement par la Chloroquine (Hydroxychloroquine).
Ce texte prévoit, comme le demandait une partie du monde médical, que l’Hydroxychloroquine peut être prescrit dispensé et administré pour le traitement du COVID 19 malgré l’absence d’autorisation de mise sur le marché. Cependant, cette autorisation donnée est loin d’être un blanc seing. Elle est en effet très strictement encadrée.
L’administration et la prescription sont exclusivement réservées aux patients pris en charge dans les établissements de santé. En d’autres termes, il ne sera pas possible de bénéficier du traitement en dehors de l’hospitalisation. Ainsi, s’approvisionner en officine de ville n’est pas possible et le médecin de ville ne peut en principe le prescrire pour le traitement du COVID 19.
Cet encadrement rejoint l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique : l’hydroxychloroquine est réservée aux malades hospitalisés qui présentent les symptômes les plus graves :patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d’une défaillance d’organe. Et elle nécessite une décision collégiale des médecins.
L’idée est également de conserver les stocks de médicaments pour les malades chroniques qui en bénéficient : eux seuls peuvent continuer à s’approvisionner en officine privée sur prescription de leur médecin habituel.
Cet accueil très mesuré, est relayé par le Conseil national de l’Ordre des médecins.
Les conseils de modération du Conseil de l’Ordre des médecins.
L’intitulé de la communication du Conseil de l’Ordre des Médecins du 27 mars 2020 « polémique sur l’hydroxychloroquine », est tout à fait significatif de la distance qu’entendent prendre les autorités ordinales avec cette questions. On peut lire en filigrane, sans crainte de se tromper, la défiance vis à vis des affirmations et des décisions du Professeur RAOULT.
Nul doute que le Conseil de l’Ordre déplore le « trouble » causé « tant chez les professionnels que chez les citoyens de notre pays » par des « ’informations contradictoires » distillées par « différentes équipes » de chercheurs et soignants.
Le Conseil de l’Ordre invite donc les médecins à la mesure et indiquent qu’ils « doivent aujourd’hui agir en professionnels responsables qu’ils sont, et attendre la confirmation ou l’infirmation de l’utilité de la prescription de ce traitement ».
Il rappelle également l‘avis du Collège général des Généralistes Enseignants (CNGE) qui dans son avis du 27 mars 2020, pose la question suivante « Covid-19 : y a-t-il une place pour l’hydroxychloroquine (Plaquénil®) en médecine générale ? » et y répond clairement par la négative.
Après avoir mis en avant les critiques méthodologiques sur les premiers résultats de l’étude de cas limités de l’équipe marseillaise, il indique que « Cette prescription serait contraire à l’éthique médicale »
Il indique en effet que « le risque (connu) est potentiellement supérieur à l’efficacité (non établie) dans une population ambulatoire qui guérira spontanément dans plus de 80% des cas . En l’état actuel des connaissances, l’utilisation de l’hydroxychloroquine doit être réservée aux essais thérapeutiques correctement menés pour en évaluer la balance bénéfices/risques “.
En d’autres termes un généraliste qui prescrirait néanmoins en ambulatoire de l’hydroxychloroquine le ferait en prenant de gros risques, et serait susceptible d’en répondre, civilement, déontologiquement voire pénalement.
Les questions en conclusion sont les suivantes :
Les autorités ordinales et gouvernementales peuvent elles tenir un autre discours que celui de la prudence.
Le chercheur et médecin, convaincu du bien fondé de ses résultats doit il renoncer à soigner en conscience.
A chacune de ces deux questions la réponse est à l’évidence non.
Un bel article sur un sujet d’actualité brulant !